Accueil de Monsieur ZHANG GUOBIN

Consul Général de la République Populaire de Chine

Saint-Denis, 19 août 2009

L’assemblée était nombreuse dans l’hémicycle de l’Hôtel de Région pour saluer l’installation d’un consulat de Chine à La Réunion, unique exemple en Outre-mer : représentant du Préfet de La Réunion, de la Présidente du Conseil général, parlementaires et élus/es, Présidents des Conseils consultatifs, des Chambres consulaires et des Organisations professionnelles, très nombreuses associations et divers invités.
Paul Vergès a inscrit cet événement diplomatique à la fois dans l’histoire du peuplement de l’île et dans son ouverture au monde marqué par de grands bouleversements.

D’hier à demain, le renforcement de nos liens

Je suis chargé de vous dire en quelques phrases les sentiments qui nous habitent. En le faisant en tant que Président du Conseil régional et en tant que Réunionnais, je voudrais vous dire l’importance que nous attachons à l’arrivée ici, ce matin même, de Monsieur le Consul général de la République Populaire de Chine.

Sur le plan historique, sur le plan des sentiments et de la psychologie, cette arrivée a une très haute signification.

Les Réunionnaises et les Réunionnais sont issus de France – très largement -, de Madagascar, du Mozambique, de l’Inde, de Chine, des Comores. Au moment même où nous saluons une personnalité éminente représentant un de ces Etats, l’histoire nous dicte de nous rappeler avec émotion la venue ici des premiers habitants de La Réunion, issus de ce grand pays.

Aujourd’hui, quand nous voyons ici le représentant de la diplomatie d’un des plus grands pays du monde, le pays le plus peuplé, celui qui sera dans quelques décennies une des trois grandes puissances économiques du monde avec les USA et l’Inde, nous ne pouvons que nous rappeler nos premiers compatriotes arrivés dans l’île poussés par l’émigration de la misère. Il faut nous souvenir de ces ancêtres arrivés il y a à peine 3 ou 4 générations. Souvent ils débarquaient tout jeunes, à 14-15 ans.

Nos ancêtres venus de Chine

carte-jiangxiLes Anciens se le rappellent, et les textes le disent, après un long voyage effectué dans des conditions épouvantables, ces émigrés ont dû se battre seuls et fréquemment dans les pires conditions économiques, sociales et souvent même politiques. Mais grâce à leur solidarité et à leur culture, en quelques générations, ils ont représenté un secteur décisif de notre économie, en particulier dans le commerce, et ceci non seulement dans les villes du littoral, mais aussi dans les localités les plus éloignées de notre île. Il est un privilège, le seul qu’on ne puisse pas abdiquer, c’est celui de l’âge. Or, enfant, j’ai vu à Salazie, à Grand îlet, à Mafate, des « boutik sinoi » qui étaient le lieu de rassemblement quotidien de la population. Ils étaient un rouage essentiel de l’organisation sociale.

Si par leur travail ils ont, dès la première génération, joué un rôle décisif dans le commerce d’épicerie de l’île, ils se sont peu à peu renforcés et ont pu déployer une activité essentielle, dans l’importation par exemple. En fonction des transformations sociales de ces 60 dernières années et à travers la succession des générations, ils sont sortis de ce secteur du commerce et se sont insérés dans d’autres domaines de la société réunionnaise, dans l’enseignement, dans les professions libérales, dans la recherche, dans les professions les plus diversifiées.

Ils se sont profondément intégrés dans la société réunionnaise et en même temps par leur apport culturel ils ont marqué La Réunion. Peut-on imaginer un repas réunionnais qui n’aurait pas, de façon directe, indirecte ou relationnelle une part de la cuisine chinoise ? Je me suis toujours interrogé sur ce besoin de bruit et notamment de pétards dans nos fêtes créoles, les baptêmes, les mariages, les festivités de Noël et du Jour de l’An etc. C’est manifestement un élément de la vie sociale quotidienne des Réunionnais que nous devons aux traditions chinoises.

Le métissage biologique s’est également opéré. Je pense qu’il n’y a pas de Réunionnais qui n’ait pas une parenté chinoise, et, à l’inverse, qu’il n’y a pas de « Chinois » qui ne soit pas intégré à la société réunionnaise. Nous sommes à un degré d’intégration qu’on ne voit nulle part ailleurs. Ce que je dis à propos de la partie chinoise je pourrais le dire tout aussi bien à propos de la partie indienne ou encore de toute autre composante de la population réunionnaise. Le phénomène typique à La Réunion, c’est qu’en même temps qu’il y a cette volonté d’intégration, d’insertion dans la société réunionnaise, il y a aussi la fidélité à la culture des ancêtres.

Les cérémonies en hommage à Guan Di qui se sont déroulées ces derniers jours révèlent un autre aspect typique de la réalité réunionnaise. En même temps que se manifeste cette volonté d’intégration dans notre société, s’exprime aussi la fidélité à la culture des ancêtres. Aucune contradiction n’est ressentie entre la fidélité aux ancêtres et l’insertion dans notre citoyenneté républicaine. C’est un élément exemplaire dans le monde. Nous le devons d’abord à tous ceux qui, au départ, faisaient du colportage dans nos campagnes, avant de devenir des commis de commerce, des petits boutiquiers, puis des entrepreneurs et des investisseurs ou encore des enseignants, des avocats, des médecins ou des chercheurs.

C’est un parcours exemplaire et nous devons toujours nous souvenir des sacrifices, du travail, de la ténacité de ces hommes et de ces femmes : c’est grâce à eux que La Réunion d’aujourd’hui est ce qu’elle est.

Aujourd’hui, une nouvelle étape est franchie avec la présence du Consul général de la République Populaire de Chine. Il y a eu les demandes des associations, des représentants de La Réunion, mais il y a eu aussi et surtout la décision du gouvernement français qui a conduit des négociations avec le gouvernement chinois. A l’issue de tous ces efforts, nous bénéficions désormais de l’atout de cette présence qui sera un point de départ pour une amplification de notre coopération avec la Chine.

A la différence d’autres régions d’outre-mer, nous avons déjà un consul honoraire de Maurice, un consul de Madagascar, un consul général de l’Inde et aujourd’hui un consul général de Chine…Autrement dit, le nombre et la diversité de ces représentations consulaires dans ce « petit » pays qui est le nôtre sont la marque visible de notre volonté d’établir des relations culturelles, économiques et sociales avec les pays d’origine de nos ancêtres. Nous montrons ainsi ce qu’est La Réunion et ce que nous devons à tous ces ancêtres.

Dans tout Réunionnais, il y a l’universel

Aujourd’hui, La Réunion est une entité par elle-même et elle rayonne de tous ces apports. Dans ce monde qui change, l’ouverture de relations économiques, sociales, culturelles, touristiques est un élément d’épanouissement de l’identité réunionnaise et plus nous retrouverons nos racines à l’extérieur, plus nous aurons renforcé notre identité enracinée à La Réunion. Ce phénomène spécifique à l’île peut constituer un exemple. Nous voulons montrer que, chez nous, la diversité a nourri l’unité et que l’unité se renforce de plus en plus par l’apport de nouvelles caractéristiques. C’est grâce à nos ancêtres venus si nombreux de France, de Madagascar, du Mozambique, des Comores, de l’Inde et de Chine que nous avons cette ouverture des uns aux autres. Nous avons conscience que notre identité est faite de tous ces apports et que le manque d’un seul apport ferait de nous des handicapés dans notre expression spécifique.

C’est grâce à ces ancêtres venus de plusieurs îles et continents que nous avons cette ouverture d’esprit, que nous avons construit cette intégration culturelle et que nous avons la fierté de penser que c’est grâce à cela que dans tout Réunionnais il y a l’universel. C’est grâce à la venue de tous nos ancêtres que nous avons cette vision généreuse du monde. Ils nous ont aidés à nous constituer nous-mêmes et c’est pourquoi je voulais rendre hommage à nos ancêtres au moment où nous ouvrons une nouvelle page avec la présence ici du Consul général de la République Populaire de Chine, à côté de nos partenaires et en premier lieu de l’Etat français.

(Après l’intervention en langue française de Monsieur Zhang Guobin, Monsieur Paul Vergès reprend la parole)

Je voudrais remercier monsieur le Consul général de ces paroles. Il a choisi de parler en français, pour que nous puissions comprendre directement ses propos. Peut-on souhaiter que lors d’une prochaine rencontre l’orateur de La Réunion puisse s’adresser au Consul général en chinois ? Ce serait un juste retour. L’avenir nous le dira.

(Intervention du représentant de l’Etat français)

(Reprise de parole par Paul Vergès)

Lorsque nous rappelons le passé de La Réunion et l’apport, désormais indissociable de notre réalité d’aujourd’hui, de nos ancêtres venus de Chine, en même temps nous nous projetons vers l’avenir. En effet, nous devons comprendre ce que représente ici la présence d’un Consul général de la République Populaire de Chine dans cette seule région de l’outre-mer français. Ce n’est pas un hasard. Nous sommes dans l’océan Indien et, dans ce siècle qui commence, l’océan Indien jouera un rôle décisif.

Développer nos relations

C’est à nous de faire prospérer cet atout qui nous est donné. Nous avons eu déjà des expériences telles que le parrainage avec la municipalité de Tianjin, la présence de boursiers réunionnais en Chine, l’installation de nombreux Réunionnais en Chine, l’investissement réalisé là-bas par des Réunionnais. Ce sont là les premiers signes d’un développement qui peut être extraordinaire. Que l’un des plus petits territoires de la République française dans l’océan Indien soit entré en relation avec le pays le plus peuplé du monde est une image symbolique très forte. Avec une population d’1 milliard 300 millions d’habitants, la Chine est la 1ère puissance démographique du monde, tandis que dans les 15 ou 20 ans à venir, l’Inde va développer son expansion démographique.

Cette rencontre symbolique montre que nous prenons conscience que le monde change à une vitesse considérable et qu’on ne peut plus penser ni se développer comme auparavant. Le Président de la République française le dit : il faut à tout prix changer, car le statu quo n’est plus possible. Il faut prendre conscience que La Réunion a changé, que l’environnement a changé, que la France et l’Europe changent, que le monde change. Eh bien, nous, nous devons être présents au monde et la présence de Monsieur le Consul général est le signe que nous prenons conscience de ces changements et que le gouvernement nous a également compris.

A la fin de cette séance, le moment est venu de vous offrir des cadeaux de bienvenue. Dans la continuité même de notre expérience, nous voulons vous remettre une pièce de porcelaine. Pourquoi ce choix ? Parce qu’une de nos compatriotes, Madame Alice Aucuit a réalisé cette pièce en 2005, au Port, dans les ateliers de l’Ecole supérieure des Beaux-Arts de La Réunion, dirigée par Monsieur Alain Séraphine. Cette création a eu lieu dans le cadre d’un partenariat au titre de la formation professionnelle avec l’Université de la céramique et de la porcelaine de Jingdezhen. La Réunion n’avait pas de tradition de porcelaine, mais, dans ses premières rencontres avec ses amis chinois, elle a intégré une des traditions les plus célèbres de la Chine. Une initiative qui a eu le soutien de l’Ecole nationale supérieure d’arts de Limoges. Cette porcelaine est-elle réunionnaise ou chinoise ? C’est parce que La Réunion s’est inspirée d’une des plus anciennes traditions de la Chine et qu’elle l’a intégrée dans son identité que nous voulons, à titre symbolique, vous remettre cette œuvre et ainsi vous montrer que l’intégration et l’échange culturel entre la Chine et nous ne font que débuter. J’ai le plaisir de vous signer le certificat d’authenticité de cette œuvre (applaudissements). Elle est réunionnaise, elle est chinoise, et c’est inséparable (applaudissements)

En vous offrant également la médaille de La Région Réunion, je voudrais attirer votre attention sur ce qui symbolise l’avenir de notre pays : l’eau, la montagne, le volcan et le soleil, représentés dans notre logo, signifient l’ère des énergies renouvelables réunionnaises

Par ailleurs, tout en travaillant pour aujourd’hui et demain, nous restons fidèles à notre passé. Aussi avons-nous voulu faire renaître une vieille tradition réunionnaise qui relevait plus de la nostalgie que de la réalité. Après 3 ans de recherche avec le CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) et après avoir éliminé tous les éléments hybrides, nous sommes parvenus à retrouver le café Bourbon authentique. Ce café est déjà cultivé par des petits agriculteurs en moyenne altitude, entre 600 et 800 mètres, et nous produisons déjà quelques centaines de kilos que nous exportons un peu vers la Chine, les USA et surtout vers le Japon. Parmi tous les cafés de qualité, qui s’échangent sur un marché très fermé, le café Bourbon a été déclaré café Premium. Malgré la modestie traditionnelle des Réunionnais, un organisme de chercheurs et de goûteurs internationaux a placé le café de La Réunion au 1er rang mondial des cafés de grand cru. C’est désormais le numéro 1.

Si vous voulez vous y mettre on peut vous donner des souches authentiques de ce café : allez-y ! parce que, sur le marché japonais, le kilo de Café Bourbon est vendu 500 euros (applaudissements). Si vous avez du temps libre, si vous résidez entre 600 et 800 mètres d’altitude, je vous encourage à cultiver le vrai café Bourbon. C’est pour ce caractère de rareté, de redécouverte et d’épanouissement aujourd’hui d’une des gloires du passé que je me fais le plaisir de vous offrir ce café Bourbon Premium (applaudissements).